C'est un véritable tremblement de terre qui,
s'il se confirme pourrait redessiner la politique espagnole issue de la
transition démocratique voici 40 ans. Dans un sondage
publié ce dimanche 2 ooctobre par El Pais et
réalisé par l'institut Metroscopia, le parti Podemos, âgé de huit mois
seulement et issu du mouvement des Indignados, mouvement de lutte contre
les mesures d'austérité prises en 2011 et 2012, obtient 27,7 % des
intentions de vote. C'est 13,9 points de plus que voici un mois et 17
points de plus qu'en septembre, premier mois où ce parti a été intégré à
ce sondage.
Déroute des grands partis traditionnels
Cette
percée inédite se fait principalement au détriment des deux grands
partis traditionnels espagnols. Le parti socialiste (PSOE) perd 4,7
points en un mois avec 26,7 % d'intentions de vote. Mais cette chute
demeure limitée au regard de la dégringolade du Parti populaire (PP), du
premier ministre Mariano Rajoy, frappé par ailleurs ce mois-ci par de
nouveaux scandales de corruption. Le PP qui, jusqu'ici, malgré la
politique d'austérité, avait limité les dégâts, n'est plus désormais
crédité que de 20,7 % des intentions de vote contre 30,2 % voici un
mois. En 2011, le PP avait obtenu 44,6 % des voix.
La poussée de Podemos
Podemos
avait obtenu le 25 mai dernier, lors des élections européennes, 7,97 %
des voix et cinq députés européens qui, depuis, ont rejoint le groupe de
la Gauche Unie européenne. Le parti a réuni voici quelques semaines sa
première convention. Son caractère participatif et anti-establishment,
ainsi que son programme opposé violemment à la politique d'austérité du
gouvernement Rajoy et à la corruption, a rencontré un vrai écho dans la
société espagnole.
Une « colère citoyenne » ?
Selon
El Pais, qui comme la plupart de la presse madrilène, n'a cessé de
sous-estimer et de combattre Podemos, ce sondage ne reflète pas des
intentions de vote, mais une « colère citoyenne » liée aux scandales de
corruption qui ont secoué le Parti Populaire. Le sondage aurait en effet
été réalisé durant la semaine où les révélations de pots-de-vin au sein
du PP ont secoué l'Espagne.
Les effets de l'austérité
Certes,
il est encore un peu tôt pour voir en Podemos une force centrale de la
politique espagnole. Mais la tendance de ce parti à progresser dans
l'opinion est désormais une évidence. Elle tranche avec l'optimisme béat
des partisans de l'austérité qui veulent faire de l'Espagne un modèle.
Certes, la croissance espagnole est repartie depuis la fin de 2013. Au
troisième trimestre de cette année, le PIB espagnol a progressé de 0,5
%, ce qui est sans aucun doute une bonne performance au niveau européen.
Mais ce n'est guère un effet de l'austérité : les exportations
espagnoles semblent à bout de souffle et c'est la demande intérieure,
principalement la consommation qui progresse, en raison de la pause dans
l'austérité salariale. C'est donc la fin de l'austérité qui soutient la
croissance espagnole. L'effet de la baisse du coût du travail est loin
d'être encore positif.
Elections en novembre 2015
Surtout,
les effets de l'austérité dans la société demeurent immenses. Le
chômage baisse, mais il est encore proche de 24 % de la population
active. Le PIB est encore en recul de près de 9 % par rapport à son
niveau de 2008. La faiblesse des salaires et l'appauvrissement général a
conduit à un mécontentement qui rend la corruption encore plus
insupportable. Indéniablement, l'Espagne est une nouvelle victime
politique de l'austérité. Les élections de novembre 2015 s'annoncent
incertaines. Le pays risque d'être difficile à gouverner. L'alliance
entre PP et PSOE paraît difficile. Mais le PSOE acceptera-t-il de
s'allier avec Podemos ? Rien n'est moins sûr.
Phénomène européen
L'Espagne
s'inscrit ainsi dans une longue série en Europe. En Irlande, là aussi
pourtant un « modèle » pour les observateurs, l'austérité a fait
émerger le Sinn Fein, nationalistes de gauche, qui représentent
désormais un quart de l'électorat selon les sondages. En Italie, le
Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo réussit à capter entre 20 et 25 %
des électeurs. En Grèce enfin, Syriza est donné en tête avec près de 30 %
des intentions de vote. Sans compter bien sûr, les déroutes des partis
traditionnels dans d'autres pays qui ont pratiqué l'austérité comme les
Pays-Bas ou la France. La BCE est parvenue en 2012 à contenir la crise
financière. Mais les crises économiques et politiques demeurent plus que
jamais d'actualité.
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